Bilan en travail de rue dans le quartier de Verdun en 2023-2024
Faits saillants Population rejointe
Introduction
Un an et demi après notre arrivée à Verdun, nous avons continué l’exploration de ses espaces, de ses dynamiques mais, surtout, nous avons renforcé nos liens avec la communauté. Verdun semble avoir bien changé avec le temps, notamment avec la gentrification qui ne cesse de se déployer tout en condamnant les habitant.es de longue date à se déplacer hors de ses frontières – entraînant une perte de cohésion communautaire tout en augmentant les inégalités sociales et économiques. Les commerces eux-mêmes apparaissent et disparaissent, affectant l’identité du quartier. Verdun ne semble pas être bien organisé pour faire face à ce phénomène, malgré la bonne volonté et le beau travail de certains acteurs territoriaux. Nous voyons que les habitant·es, les commerçant·es, voire les partenaires sont pris·es dans une ambivalence perpétuelle : iels défendent leurs intérêts mais sont à la fois affecté·es – ce qui entraîne une cohabitation tantôt pacifiée, tantôt tourmentée, augmentant alors les demandes de médiation sociale.
Milieu jeunesse
Alors que Cumulus nous avait permis d’intégrer l’école Monseigneur Richard (ESMR) à la fin de l’année scolaire 2023, le changement d’intervenante puis les grèves des enseignant·es ont retardé notre retour dans l’établissement, qui s’est fait progressivement dernièrement. Nous avons été principalement en lien avec des jeunes rencontré·es dans l’espace public, dont la majorité n’était pas familier avec la pratique du travail de rue.
En revanche, iels connaissent la Naloxone et n’hésitent pas à la demander lorsqu’on les rencontre. Iels sont aussi demandeurs.euses de tests Fentanyl quand on parle des contaminations, ainsi que de condoms. Le cannabis est la consommation préférentielle des jeunes, bien qu’il y ait une confusion entre tous ses noms et dérivés (weed, pot, wax pen, etc.). On constate également l’usage d’autres perturbateurs tels que les champignons et le lean/purple drank, ainsi que des stimulants tels que du speed. Pour les grand·es consommateurs.trices, l’usage est plutôt large et c’est à la catégorie 18-30 ans que nous distribuons le plus de pipes à crystal. On note aussi une consommation importante de boissons énergisantes – les effets sont très souvent banalisés.
Verdun est un point de rencontre de la jeunesse, notamment les fins de semaine et l’été. Ses espaces verts et infrastructures privilégiés amènent des jeunes de plusieurs quartiers, et pas seulement du Sud-Ouest. Néanmoins, il y a peu d’espaces commerciaux qui les ciblent, nous les rencontrons la plupart du temps dans les espaces publics tels que les parcs. Durant nos échanges avec les jeunes, les principaux thèmes abordés concernent le harcèlement scolaire, l’intimidation, les relations et les comportements à risque.
Consommation
Si la consommation d’alcool, l’inhalation du crack et l’ingestion de speed restent les principales consommations, nous avons néanmoins eu plus de demandes de pipes à crystal et de kits d’injection. Bien que certains types de consommation soient encore stigmatisés (telles que l’injection), isolant ainsi les personnes concernées, on assiste à une consommation de plus en plus décomplexée dans l’espace public.
En ce qui concerne la prévention des surdoses, les trousses de Naloxone nous étaient très rarement demandées jusqu’à récemment. Après de nombreux décès dans la communauté, plusieurs personnes sont venues d’elles-même se fournir auprès de nous ou du site fixe. Ce que l’on constate aussi, c’est la volonté des personnes à aider les autres, et ce, malgré la galère. Cela va parfois jusqu’à s’engager dans la pair-aidance et, bien que ces dernières ne soient pas toujours formées, cela permet aux personnes les plus éloignées d’avoir accès à un minimum de ressources. Enfin, nous avons été invitées dans certains milieux de vie, notamment de consommation et de travail du sexe.
Milieu adultes
A Verdun subsiste une population assez fragilisée, souvent âgée, et pouvant parfois, faire face à des enjeux de consommation et/ou de santé mentale. Ces personnes n’ont pas les moyens de faire face à l’embourgeoisement – amplifié par l’élection de la rue Wellington « la plus cool du monde ». Elles rencontrent des difficultés à rester vivre à Verdun, là où elles sont nées et ont grandi. Isolées, elles perdent souvent leur logement dans une violence sourde et nous rencontrent dans un second temps. En les mettant en lien avec les ressources adaptées à leurs besoins, la recherche de logement est, sans surprise, lente, pleine de compromis, les laissant d’autant plus dans une situation à risque. Elles sont souvent poussées à quitter leur quartier d’attachement, sans repères, renforçant leur isolement. A cela s’ajoute la disparition des maisons de chambres, bien que des logements servent officieusement comme telles et parfois dans des conditions douteuses. Les résident·e·s sont alors témoins de rénovictions ou en ont été́ victimes.
Nous assistons ainsi à une hausse des personnes en situation d’itinérance visible et cachée à Verdun – cohabitant avec une population nouvellement arrivée. L’ouverture du service d’hébergement d’urgence (SHU) en décembre a permis de nombreux dépannages avec le lit d’urgence partagé au sein de notre équipe. Ce service nous a amené à côtoyer de nouvelles personnes venant pour une grande partie du centre-ville, avec des réalités différentes, notamment de consommation, d’immigration et de violences. A cet effet, nous avons effectué beaucoup d’interventions de crises – situations augmentées avec la piétonnisation de la rue Wellington l’été.
Conclusion
Cette année se termine par le départ de Rebecca et l’arrivée de Yannick, avec tout autant d’énergie et d’enthousiasme. Cela mène à de nouveaux défis et opportunités dans le but de poursuivre et déployer nos actions sur le territoire de Verdun.
Rebecca & Marion
Travailleuses de rue à Verdun