Pointe-Saint-Charles

Bilan en travail de rue dans le quartier de Pointe-Saint-Charles en 2023-2024

 

Faits saillants                                                                                                                                  Population rejointe

 

 

 

 

Introduction

La dernière année nous a permis, encore une fois, d’observer sur le terrain les conséquences et les résultats de nombreuses crises que vivent les personnes au Québec (Crises du logement, crise du coût de la vie, crise de la santé mentale, crise des opioïdes, etc.) Ce qui est le plus marquant, c’est la solidarité et l’organisation communautaire exemplaire de ce quartier. Cette vie communautaire vient répondre à de nombreux besoins matériels, relationnels, mais vient aussi créer un sentiment d’appartenance pour plusieurs. Malgré les nombreux gestes d’humanité et de gentillesse que nous avons constaté dans le quartier, ils sont souvent en concurrence avec l’intolérance.


Milieu jeunesse

Durant l’année, j’ai visité à plusieurs reprises la Teenzone du YMCA et de constater un nombre important de jeunes de Pointe-Saint-Charles et de ses environs s’y réunir. Que ce soit pour des activités culinaires, sportives, ludiques, ou tout simplement pour rendre visite aux animateurs, cet endroit offre un espace qui vient répondre à différents besoins des jeunes du quartier. Ce milieu déploie beaucoup d’effort pour se rendre chaleureux et s’adapter aux jeunes. Le lieu est maintenant ouvert le samedi! Une bonne idée pour rassembler et briser l’isolement que certains peuvent vivre. Malheureusement, il m’a été difficile de maintenir une présence régulière et significative dans les milieux jeunesse, en effet les demandes grandissantes provenant des milieux adultes, avec leurs réalités singulières et complexes, ont rendu difficile ma constance dans les milieux jeunesse. Toutefois, je m’engage à passer plus souvent au YMCA ainsi qu’à l’Adozone durant l’année 2024-2025. Je ferais aussi appel à mes collègues afin d’offrir des présences dans les parcs et sur les terrains sportifs.

Consommations

En ce qui concerne les réalités de consommation, certaines personnes nous ont rapporté une dégradation de la qualité des drogues dans le quartier. La dégradation de la qualité peut être en lien direct avec l’augmentation des surdoses durant l’année. Nous avons travaillé avec les milieux afin de prévenir, sensibiliser et à encourager les comportements sécuritaires. L’utilisation de la naloxone a été présente dans nombreux cas de surdoses pour renverser temporairement les effets d’une surdose. Malheureusement, nous avons été informés de décès au cours de l’année. Ces histoires affectent grandement les milieux et les proches.

En ce qui concerne la distribution de matériel de consommation, l’observation la plus notable dans les derniers mois est l’augmentation de demandes de pipes à crystal meth dans le quartier. En seulement quelques mois, nous avons distribué plus de pipes à crystal que durant les deux dernières années.

Milieu adulte

Une nouvelle réalité observée cette année, c’est l’augmentation du nombre d’équipes et de personnes qui se présentent auprès des personnes en situation d’itinérance (PSI). En effet, en plus des citoyen·nes et des travailleur·euses du communautaire, de plus en plus d’équipes d’interventions (SPVM, ÉMMIS, EMRII, constable de la STM…) approchent les personnes. Cette nouvelle réalité rend plus difficile la création de lien entre le/la travailleur·euse de rue et les personnes, cela créer aussi de la confusion, il est parfois difficile pour les personnes de savoir si elles s’adressent à un travailleur de rue, à une personne de la ville, ou à une personne travaillant pour la police. Selon nos observations, ces interventions contribuent à un plus grand isolement des personnes en situation d’itinérance ainsi qu’a une augmentation des tensions et du clivage entre ces personnes. Elles sont davantage surveillées et repoussées au nom de la cohabitation sociale, cela apporte un phénomène de nomadisme.

Ce mouvement régulier de démantèlement/déménagement des campements rend difficile le maintien du lien entre les personnes et le travail de rue et aussi pour nos contacts de s’isoler davantage et suspendre les liens avec leur réseau d’entraide déjà fragile. Considérant le manque de places dans les refuges, le manque de ressources en itinérance, il y a une incohérence dans la gestion de l’itinérance : il y a une absence d’alternatives ou de solutions pérennes, forçant les personnes en situation d’itinérance à trouver des moyens alternatifs pour subvenir à leurs besoins (ex. l’entraide, le partage, l’échange, les campements).

Les derniers mois nous ont permis d’observer, encore une fois, l’augmentation de l’itinérance cachée dans le quartier. Pour échapper au froid et aux conditions encore plus difficiles de la rue, certains décident de cohabiter à plusieurs dans des chambres/appartements. Pour certains, la consommation est une solution temporaire pour repousser le sommeil et répondre à la difficulté de se trouver un endroit où dormir. Cette cohabitation ne se fait pas sans tensions et sans conflits entre les personnes. Dans ce contexte, il est plus difficile et moins prioritaire pour certaines personnes de défendre leurs droits au logement (ex. les augmentations de loyer abusives, l’inaction d’un propriétaire sur l’insalubrité, etc.).

 

Conclusion

Cette année a été riche en apprentissages et en émotion! J’ai une chance incroyable de travailler avec les résident·e·s de ce quartier et de collaborer avec des partenaires indispensables. Que ce soit sur la question de la santé, de l’aide alimentaire, du droit au logement, des droits de l’aide sociale ou du droit à la vie et à la dignité en générale, ce quartier est composé de nombreux groupes qui viennent défendre ces droits et rassembler le monde afin d’obtenir plus de pouvoir sur son avenir. Dans la prochaine année, je veux développer et consolider davantage mes liens avec les partenaires communautaires et approfondir mon intégration dans les milieux jeunesse de Pointe-Saint-Charles.

Michael
Travailleur de rue à Pointe-Saint-Charles